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MARIONNETTES ET MUSIQUES
24 novembre 2008

DE LA MUSIQUE SUR SCENE

MM3_BDLa musique occupe dans mon travail de création une place essentielle, et son statut dans l’espace scénique et dramaturgique est une problématique qui me passionne. Les créations de notre compagnie ont, depuis nos tout débuts, peu ou prou tourné autour d’une ou plusieurs œuvres musicales : Pierre et le Loup – ré-ochestration de l’œuvre de Prokofiev pour orgue mécanique en 1984, Chaosmos – création musicale pour orgue mécanique de Petros Korelis, en 1991, Casse-Noisette – ré-ochestration de l’œuvre de Tchaïkovski pour orgue mécanique en 1994 – L’Histoire du Soldat – création musicale de Laurent Brusetti pour orgue mécanique, violon et percussions en 2001- mais également Lubie (2004) - autour des duos pour violons de Luciano Berio et Béla Bartok -, Machina Memorialis (2007) – création pour quatuor à cordes d’Albert Marcoeur – mais également Le Nombril d’Adam (1999) et Ginette Guirolle (1996). Dans ces deux spectacles, la musique ou les sons enregistrés travaillent comme un sous-texte, un inter-texte, un « entre les lignes » intervenant dans la perception du spectateur de manière souvent inconsciente. J’ai pu le constater à de nombreuses reprises en questionnant les spectateurs : à la fin d’une représentation de Ginette Guirolle par exemple, si je demande ce qu’on a pensé de la musique du spectacle, la réponse est – au moins une fois sur deux - : « Il y avait de la musique ? Je ne m’en souviens pas…». Il serait inexact d’y voir un manque d’attention ou d’intérêt : la musique joue ici en symbiose avec la situation énoncée ; elle ne l’illustre pas, loin de là ! Mais elle est partie intégrante du tableau, elle travaille en nous et dans la scène sans que nous en ayons forcément conscience, même s’il s’agit d’une musique que nous connaissons déjà ! Dans Ginette Guirolle, la plupart des morceaux qui composent la bande son proviennent du fond de musiques « populaires » ou dites « de variété » françaises ou anglo-saxonnes et sont, à chaque fois, donnés intégralement ; une pièce vient de la musique dite « savante » : il s’agit d’une chanson hébraïque de Ravel, qui lui a d’ailleurs été inspirée par une chanson populaire... Le propos n’est évidemment pas non plus de « placer dans un contexte » ou de « faire époque » : les deux chansons des Rita Mitsouko, très rock et contemporaines de la création du spectacle, nous parlent du personnage de Ginette, de sa révolte, de son cri. J’ai construit cette bande son pendant les répétitions, et chaque fois nous décidions à trois, Ginette, Cendre Chassanne et moi : soit c’était l’évidence, soit nous abandonnions le morceau et je cherchais autre chose. Nous avons travaillé avec la musique comme avec le texte de Minyana, ou la marionnette : en nous laissant guider par elle.

 

Dans Lubie, spectacle en forme d’hommage à nos mains, la musique (Berio, Bartok), interprétée sur scène par deux violonistes, est à la source de la création des scènes. Chaque duo m’a inspiré une histoire, une chorégraphie ou un geste évoquant un aspect des mains. J’ai ensuite peu à peu construit les scènes à partir d’improvisations sur la musique. L’écriture dramaturgique de l’ensemble, le fil rouge, a été induit par la cohérence des enchaînements musicaux (compatibilité des tonalités ou des tempi) ; les musiciens, Bénédicte Ober  - qui m’assistait à la mise en scène -  et moi même avons beaucoup construit, puis déconstruit, pour reconstruire encore, en s’approchant chaque fois un peu plus près de ce que nous voulions dire.

 

Dans Machina Memorialis, une création collective Les Rémouleurs/le Quatuor Béla, nous avions choisi de parler de la matière du souvenir, et nous avons passé commande à Albert Marcoeur d’une œuvre pour quatuor à cordes. Nous avons rencontré Albert Marcoeur et lui avons raconté notre projet. Il a commencé à écrire avant même que nous ayons entamé la construction du spectacle. Il m’a ensuite envoyé ses premières propositions musicales et j’ai alors pu commencer à travailler aux montages des films super huit que nous projetons dans le spectacle. L’élaboration de l’œuvre musicale s’est donc déroulée au même rythme que celle de la forme scénique, dans un va et vient étroit entre le compositeur, les interprètes et la mise en scène. « Sur Machina Memorialis  il y a toujours eu unanimité sur les observations. Ou ça colle et c’est parfait, ou c’est nul et c’est abandonné, ou ça demande des modalités quant à l’écriture et la réalisation. » dit Albert Marcoeur dans un entretien avec un journaliste.

 

Dans mon travail de création, la musique n’arrive jamais à posteriori, elle est toujours à la source de la création.

 

Anne Bitran


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